Le jeu glauque de l’acteur de films X dans une triste série Z
Vendredi dernier, un homme très masculin s’enferme dans la cabine d’essayage d’une boutique de lingerie très féminine de la galerie commerciale d’Englos. Le lendemain, de retour dans le
centre commercial, l’individu est interpellé. Son passage a laissé des traces.Quand R. J. entre dans le box, il commence par demander un huis clos.
Lui se présente comme « acteur porno au RSA » et
dispose, pour le coup, d’une salle pleine et d’un public captivé.À quelques mètres de ce grand échalas aux cheveux bruns longs et filasses et à la barbe de trois jours, deux
jeunes femmes. La vendeuse d’une boutique de lingerie de la galerie commerciale d’Englos et sa stagiaire de dix-huit ans.
Vendredi, elles ont été aux prises, à leur façon, avec cet étrange client. Malgré son espèce de tunique de
rombière, R. J. pouvait difficilement passer pour une femme. D’où la stupeur de l’étudiante. « Il
nous arrive de recevoir des hommes, explique la commerçante plus expérimentée à la barre. Généralement, ceux-ci
sont particulièrement discrets. »
« Claquements » et « gémissements »
Dans la salle, quelques yeux s’écarquillent. Le huis clos sera refusé. « Mais au moindre débordement, je fais évacuer », met immédiatement en garde le président Mikaël
Simoëns. Habitué des poursuites pour exhibition sexuelle, R. J., trente-quatre ans, est cette fois jugé
pour « violence avec préméditation ». La stagiaire et sa tutrice sont sorties ébranlées de son
passage dans la boutique et, surtout, dans une cabine d’essayage.
La première entendra des « claquements » et des « gémissements » sourdre du cagibi. Quand R. J. prendra la poudre d’escampette, la deuxième apercevra des
« fluides » au sol. Le lendemain, cet étrange client sera interpellé dans une boutique en
train de tenter, dit-il, d’y « créer la même ambiance ».
Révocation de sursis
R. J. est donc « acteur porno ». Le voilà face à une gamine rentrée chez elle en larmes et à une dame pas très heureuse d’avoir dû passer la
serpillière après sa cascade. Lui jure n’avoir touché personne, y compris lui-même. En tout cas, pas jusqu’au bout.
Ce comédien très singulier assure avoir été pris par l’ambiance du lieu. « Il y avait clairement un orgasme dans la cabine d’à côté », maintient le prévenu qui avait, tout de même, pris la
précaution de venir avec un… sex-toy. Et lorsqu’on lui parle d’altération d’identité sexuelle, R. J.
concède une « altération de l’identité vestimentaire ».
Après beaucoup d’efforts, une infinie patience et quelques litres de transpiration, Me Mathilde Kasprzyk
parviendra à obtenir une relaxe pour cet être humain au regard triste.
Une victoire pour le prestige. R. J. est cerné par les condamnations ou les poursuites pour exhibition sexuelle,
souvent auto filmée, notamment dans le Dunkerquois. Une révocation de sursis l’enverra tout de même en prison.
L. B. |
Roubaix
Une caissière d’Intermarché condamnée pour avoir exfiltré des milliers d’euros de marchandises
En 2013, une jeune caissière d’un magasin Intermarché de Roubaix est licenciée pour escroquerie. Son employeur l’accuse d’avoir escamoté des marchandises grâce à une faille d’organisation.
L. B. |
Le 26 octobre 2013, le vigile du magasin Intermarché de la rue de la Mackellerie, à Roubaix, est intrigué par le
comportement d’un client. Ce dernier bourre un caddie de marchandises, sans visiblement se soucier du prix des produits sélectionnés. La personne passe ensuite rapidement à la caisse et
disparaît.
« Elle a trouvé une faille dans le système et en a largement abusé. »
L’anecdote aurait pu en rester là. Trente minutes plus tard, même manège. Le consommateur très pressé revient, gave son chariot d’articles et -tout de même- se
présente à une hôtesse de caisse. Médusé, le gardien choisit, cette fois, d’examiner le ticket d’achats de ce boulimique. Surprise : rien n’a été réglé et l’acheteur s’est envolé. Avec ses emplettes bien sûr. A. G., une caissière alors âgée de vingt et un ans, est immédiatement relevée de son poste.
Presque cinq ans plus tard, la conversation se poursuit devant les juges lillois. A.
G. a été licenciée et son employeur a déposé plainte pour escroquerie. « A. G. a trouvé une faille dans
le système et en a largement abusé », accuse maintenant Wilfrid Polaert, l’avocat du franchisé roubaisien.
Des chariots à plusieurs centaines d’euros
Ce talon d’Achille se résume en trois mots : mise en attente. Par cette
manœuvre, un employé peut suspendre un achat. Si ce dernier n’a pas lieu, les marchandises sont remises en rayon. Pas là, visiblement. « En général, cela concerne un ou deux objets, enrage Me Polaert. Pour quelques euros. Là, on a des chariots à 150 €, 200 €… Jusqu’à 610 € ! » « Combien de mises en attente avez-vous pratiqué ? », demande la présidente Audrey Bailleul à la prévenue, en
pleurs. La réponse est très évasive.
Comme souvent dans ce genre d’affaire, les autres questions tournent autour de la
période -combien de temps ont duré ces manoeuvres ?- et du montant du préjudice.
« Ma cliente admet des mises en attente pour 1 700 € », rappelle l’avocate Mathilde
Kasprzyk.
Son adversaire, dénonçant un enrichissement personnel, réclame, lui,
14 000 €. Colère de Me Kasprzyk qui met le comportement de sa cliente sur le compte d’« un climat social
dans l’entreprise épouvantable » et la volonté de « venir en aide à des familles
nécessiteuses ». Sanction : quatre mois de prison avec sursis et 2 300 € de marchandises à
rembourser au magasin.
LILLE
« Il vient, il se sert, il part… » et écope de dix mois de prison pour trois vols
Un homme de 33 ans était jugé ce mardi en comparution immédiate pour trois vols : une sacoche le 22 septembre 2017 dans une pharmacie rue Faidherbe,
un portefeuille le 30 décembre et un téléphone portable le 21 janvier dans le quartier Masséna-Solférino.
Kheireldine M. a bien du mal à laisser parler son interprète tellement il est pressé de se défendre. Il est arrivé en France en 2013, d’abord en région
parisienne puis à Roubaix, « d’abord SDF puis squatteur ». Dans un français balbutiant, il
explique qu’il est demandeur d’asile et qu’il reconnaît deux vols sur trois. Une arrestation quasi
en flagrant délit le 21 janvier a permis de lui imputer les deux autres larcins. Kheireldine M. avait sur lui le téléphone qu’il venait de voler. À l’audience, le prévenu prétextera un état
d’ivresse, il a été interpellé avec 1,28 gramme d’alcool dans le sang.
« Il n’y a pas de plainte, mon client a trouvé ce portefeuille. Au pire, c’est un recel de vol ».
Pour la sacoche dérobée sur le comptoir d’une pharmacie rue Faidherbe, le 22 septembre, Me Loredana Puisor en partie civile fera remarquer que le prévenu n’a pas trop le choix. Il a été filmé
par les caméras de vidéo surveillance et a été reconnu par la victime. En revanche, les charges se révèlent insuffisantes pour considérer qu’il y a eu vol de portefeuille le 30
décembre : « Il n’y a pas de plainte, mon client a trouvé ce portefeuille. Au pire, c’est un recel de
vol », indique Me Mathilde Kasprzyk en défense. L’avocate obtiendra la relaxe. Pour les autres vols, elle insiste sur l’absence de violence : « Il
vient, il se sert, il part… »
Le procureur Frédéric Amegadji avait requis quinze mois d’emprisonnement, s’appuyant sur trois mentions au casier judiciaire pour déplorer « un voleur d’habitude ». Le tribunal a condamné Kheireldine M. à six mois de prison auxquels s’ajoutent quatre mois de sursis révoqués. Il est maintenu en détention.
Lille
Prison ferme pour avoir dégradé deux cellules du palais de justice
Vendredi 2 mars, en début de soirée, dans les geôles du palais de justice, il y a eu un grand fracas. Trois prévenus qui y attendaient la décision des juges après
un passage en comparution immédiate ont descellé le banc d’une cellule. Des dégradations supplémentaires les ont ramenés devant les magistrats.
Lundi en comparution immédiate, ils sont trois à la barre. Le plus jeune a l’air complètement effrayé, les deux autres sont un peu plus bravaches. Jusqu’à vendredi, ils ne se connaissaient pas.
Le 2 mars, en début de soirée, le hasard les a mis dans la même cellule, lorsqu’après avoir comparu chacun de leur côté l’après-midi même, ils attendaient que le tribunal annonce leur peine
: le plus hardi pour trafic de stupefiants, les deux autres pour rebellion.
Qu’est-ce qui vous a pris ? Comment peut-on détruire un banc volontairement ?
« Qu’est-ce qui vous a pris ? Comment peut-on détruire un banc volontairement ? », les tance le président
Jacques Huard. « Parce qu’il bougeait… » sera la seule réponse. Le trio ne s’est pas arrêté là, en déménageant
dans une autre cellule. Cette fois, c’est le luminaire qui a été cassé. « Je voulais allumer une cigarette avec les fils
électriques, et le globe m’est tombé sur la tête », avance Steven M. le plus hardi et le seul des trois, déjà condamné à de la prison ferme. « On a le droit de fumer en cellule ? Qu’est-ce que c’est que ce comportement ? », s’afflige le président.
« Manque de crainte de la justice »
Le procureur Bastien Madelon requiert des peines jusqu’à six mois d’emprisonnement : « Leur comportement démontre un
manque de respect et de crainte de la justice. »
En défense, Mes Vincent Bethouart et Mathilde Kasprzyk ont une autre explication : l’exaspération de longues heures d’attente en cellule. Pour exemple, l’audience ce lundi, s’est terminée à
22h30, certains détenus étaient là depuis tôt le matin après 48 heures de garde à vue.
Steven M. (qui a cassé le luminaire) a été condamné à quatre mois d’emprisonnement. Samir L. qui l’a porté sur ses épaules est condamné à quatre mois sans mandat de dépôt et Beddrine B. qui a
aidé à desceller le banc à deux mois de prison aménageables.
Lille
En pleine livraison, il découvre un inconnu dans son camion
Un homme âgé d’une vingtaine d’années a été interpellé lundi soir rue Jules-Guesde, soupçonné d’une tentative de vol dans un camion de livraison. Le livreur l’a interpellé sur place, mais a
dû le relâcher ensuite sous la pression de passants.
A. D. Et L. B.|
Lundi, peu après 20 h 30, rue Jules-Guesde à Wazemmes. Un livreur appelle la police sur le 17. L’homme explique avoir surpris un inconnu dans la cabine de son
camion alors qu’il était en pleine livraison. Le voleur aurait tenté de prendre la fuite avec un carton de marchandises, échangeant des coups avec le livreur. Mais ce dernier assure avoir réussi
à le stopper et à l’immobiliser. Les policiers n’ont plus qu’à venir en prendre livraison.
Une dizaine de personnes interviennent
Mais à l’arrivée des fonctionnaires, le livreur est seul. Selon ce dernier, l’interpellation de son voleur a provoqué un attroupement rue Jules-Guesde. Une dizaine
de personnes seraient intervenues, obligeant la victime à libérer son voleur. Le livreur donne néanmoins une description physique. Et les policiers interpellent peu après un suspect correspondant
dans le quartier.
L’homme a été placé en garde à vue et entendu le lendemain par la Sûreté urbaine de Lille. Il est âgé d’une vingtaine d’années. Et, ce mercredi, il a été présenté
devant un magistrat puis jugé en comparution immédiate. Il portait des traces de coups au visage, que son avocat, Me Mathilde Kasprzyk, a présentées comme le résultat de violences
disproportionnées commises par le livreur pour l’appréhender. Justifiant, donc, l’intervention des passants choqués. Le jeune homme a été condamné à huit mois de prison ferme avec mandat de
dépôt.
Métropole lilloise
Ils avaient fait du désossage de voitures leur métier
Dans la nuit de lundi à mardi, la police intervient dans un garage de Tourcoing. Elle pense trouver des voleurs. Elle tombe sur des désosseurs de voiture… volée.
L. B. |
Le 17 février dernier, une Clio est volée à Wattrelos. Deux jours, ou plutôt deux nuits, plus tard, la police est appelée par un Tourquennois intrigué. Deux hommes s’affairent frénétiquement
autour d’un véhicule installé dans un box. L’habitant soupçonne un vol. Une patrouille est dépêchée sur place.
« Vous êtes un spécialiste du démontage nocturne de voitures »
À sa vue, deux hommes se précipitent à bord d’un autre véhicule, une Citroën C3, et tentent de prendre la fuite. Ils sont rapidement appréhendés.
« Vous êtes un spécialiste du démontage nocturne de voitures », lance le président Jacques Huard à
l’un des deux hommes dans le box. J. H., 28 ans et treize mentions au casier judiciaire, répond presque en expert. Lui est visiblement calé en désossage de berlines. Quand la police a
débarqué, lui et son complice s’échinaient à démantibuler la Clio depuis au moins trois heures.
Commande
« On voit que cette Renault est largement démembrée », note le
magistrat. Pour 100 à 200 euros, le duo était visiblement en train de répondre à une « commande », comme l’explique pudiquement l’avocate Mathilde Kasprzyk. Inutile d’espérer en savoir plus. H. et J. B.,
27 ans, défendu par Charles Lecointre, préfèrent subir les foudres de la justice que celles du caïd leur ayant confié cette mission de déconstruction. Sanction : six mois de prison chacun, mais ils ont été laissés libres et devront négocier leur sort avec un juge d’application des
peines.
À Lille, les jeunes avocats entre liberté, espoir et désillusions
Le 16 mai 2017 AVOCAT | Formation | Organisation de la profession Paroles de jeunes avocats lillois.
Selon le récent rapport Haeri 1,45 % des avocats en France ont moins de 40 ans. Cette statistique est d’autant plus parlante lorsqu’on l’associe à l’augmentation rapide et constante du nombre
d’avocats exerçant sur le territoire2. Certains craignent de voir la profession engorgée par la jeunesse, quand cette même jeunesse abandonne parfois après seulement quelques années devant la
précarité de leur activité. Le barreau de Paris, par sa densité3, cristallise régulièrement ces difficultés mais les barreaux provinciaux, comme le barreau de Lille, n’échappent pas à ce
phénomène et tentent, avec plus ou moins d’efficacité, d’y faire face.
« J’ai ressenti très vite une désillusion, surtout au niveau de la rémunération. » Me Mathilde Kasprzyk, Présidente de l’Union des jeunes avocats (UJA) de Lille, pointe
immédiatement le principal obstacle que rencontrent les avocats. Au cours de sa première année de collaboration, un avocat bénéficie d’une rétrocession de 2 150 €, la deuxième année,
2 350 €. Montant duquel il convient de retirer entre 40 et 50 % de charges. « Il faut faire tomber les désillusions, l’avocat n’est pas riche », rappelle encore
Mathilde Kasprzyk. Avant d’expliquer que l’UJA de Lille se bat pour une revalorisation significative de cette rétrocession. Le collaborateur libéral a également la possibilité de
développer la clientèle personnelle afin de compléter ses revenus : « Encore faut-il que le cabinet d’accueil joue le jeu et leur laisse le temps de le faire » veille la présidente
de l’association syndicale. Malgré cette difficulté, l’optimisme est de rigueur : « Mon sentiment est que tout est réuni pour que les jeunes avocats démarrent bien dans la vie, mais il
faut rester vigilants », avant de conclure : « En revanche, je ne ressens aucune discrimination relative à notre jeunesse devant les juridictions. Nous sommes avocats,
point ».
Le barreau de Lille, l’un des plus peuplés de France4, est très actif et s’emploie à mettre en place plusieurs mesures afin de faciliter l’intégration de la jeunesse au sein de la profession.
Marie-Christine Dutat, présidente de la Commission « Jeune barreau, collaboration et installation » et membre du Conseil national du barreau (CNB), égraine ces nouvelles mesures :
numéro SOS collaboration joignable en cas d’urgence 24h/24 et 7j/7, incitation à la souscription d’une assurance couvrant la perte d’une collaboration, accompagnement et aide à l’installation,
service d’aide en cas de maladie ou de maternité ou encore un service de prise en charge des avocats en faillite et la mise en place de « pépinières », autrement dit, des regroupements
de jeunes avocats dans l’optique d’une installation commune.
Toutes ces mesures sont récentes, et ont comme seul objectif d’accompagner la jeunesse. Me Dutat se veut donc optimiste : « Non, il n’y a pas trop d’avocats, par rapport aux autres
pays européens, nous sommes très peu. Finalement, nous avons plus de problèmes avec les confrères âgés qu’avec les jeunes ». L’avocate voit la collaboration comme un tremplin à très court
terme : « une ou deux années maximum », après il convient de déployer ses ailes. Ceci étant dit, ces mesures ne semblent pas faire l’objet de la communication qu’elles
mériteraient, Diane Laur, élève-avocate à l’IXAD5, et avocate dans quelques semaines, n’avait jamais entendu parler de ces dispositifs.
Mais qu’en est-il des principaux concernés ? Ces jeunes avocats qui ont prêté serment depuis seulement quelques années, voire quelques mois ? Baptiste Buissart, avocat depuis 2015, admet que
« la rémunération de l’avocat collaborateur libéral est loin de l’image que renvoie l’avocat, et cela est très compliqué de se contenter de la rétrocession, il faut provisionner dès les
premières semaines. Mais cette rétrocession est une sécurité appréciable ». Il connaissait l’existence des mesures d’aide du barreau, notamment le numéro SOS collaboration, mais espère ne
jamais avoir à l’utiliser.
Diana Tir, avocate depuis quelques mois, a trouvé une collaboration avant même sa prestation de serment mais a vite déchanté : « Elle ne m’a pas satisfaite, je n’avais aucune
possibilité de développer ma clientèle personnelle ». La jeune avocate s’est donc inscrite au barreau de Douai, où son cabinet d’accueil la laisse enfin développer sa propre clientèle mais
cela reste compliqué : « Je paie 45 % de charges, après tant d’années d’étude, oui c’est la crise ! » Un autre s’est tout de suite inscrit au barreau d’Arras :
« C’était compliqué de trouver une collaboration à Lille, ici, il y beaucoup de permanences et de commissions d’office ». Tous trois sont unanimes, à tout nouvel arrivant dans la
profession, ils conseilleraient, sauf offre exceptionnelle, de s’installer dans un petit barreau pour ensuite, une fois une certaine réputation acquise, revenir à Lille.
Nora Missaoui-Lefebvre, avocate depuis novembre dernier, a quant à elle pris la décision de s’installer seule aussitôt après sa prestation de serment : « J’avais postulé auprès de
plusieurs cabinets sans obtenir de réponse de la part de la majorité de mes confrères. Je n’ai pas personnellement contacté le barreau car dès le départ, j’avais l’intention d’ouvrir mon
cabinet ». Bien qu’elle ne se verse encore aucun salaire, elle ne regrette pas sa décision : « La liberté qui est la mienne aujourd’hui me convient parfaitement et me permet de
m’épanouir tant dans ma vie familiale que professionnelle ».
1. Rapport confié par Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des Sceaux, ministre de la justice à Kami Haeri, avocat au Barreau de Paris, févr. 2017.
2. Passant de 30 000 avocats en 1995 à un peu plus de 63 000 en 2015 selon le rapport Haeri.
3. Environ 25 000 avocats sont inscrits au barreau de Paris. Le barreau prévoit 35 000 inscrits en 2020.
4. 1 181 selon le site internet du barreau de Lille
5. École des avocats de la région Nord-Ouest, appelée IXAD, elle est située à Lille dans les locaux de l’université Lille 2.
par Rémi Flamant
RONCHIN
Un cambrioleur se dit «victime d’un complot illuminatique»
Kamel B., jugé devant le tribunal de Lille pour un cambriolage à Ronchin le 18 septembre, a utilisé une défense bien singulière. Il affirmait être la « victime d’un complot
illuminatique ».
Il est entré dans le box des prévenus en chantonnant entre ses dents. « Kamel B., c’est
vous ? » lui demande le président Jacques Huard. « À ce qu’il
paraît » répond un prévenu dont le comportement tout au long de l’audience fera dire à la procureure Aline Clérot : « On est dans l’entre-deux. Entre le pénal et la psychiatrie ».
Le médecin qui avait examiné le trentenaire en garde à vue juste après son arrestation l’avait expédié directement à l’hôpital psychiatrique, l’estimant néanmoins accessible à une
sanction pénale avec un discernement altéré. Kamel B. a ensuite été transféré à l’unité psychiatrique pénitentiaire (UHSA) en attendant l’audience de mercredi où il était jugé pour un
cambriolage, le 18 septembre à Ronchin.
Il avait été arrêté sur place par des voisins, avec un sac contenant le butin du vol. Avant l’audience, il a refusé l’expertise demandée par le tribunal. On ne saura donc pas si le
discours délirant qu’il a tenu mercredi est dû à sa schizophrénie ou à de la manipulation comme l’envisageait la procureure Aline Clérot. « Je suis victime d’un complot illuminatique », répétera Kamel B. Le président Jacques Huard ne se laisse pas
démonter : « Vous reconnaissez être entré chez Monsieur ? ». Ce ne sont pas les
preuves qui manquent, le propriétaire des lieux le dira à la barre : Kamel B. a laissé dans la maison des traces de sang un peu partout après s’être blessé à la main en brisant une
vitre pour entrer.
Un manipulateur ?
Mais pour répondre au président, Kamel B. se tourne vers le public, s’emparant du micro comme d’une tribune : « Je lui ai dérobé son intérieur, on m’a dérobé mon intérieur ». Et il sourit, balayant la salle de ses yeux
fous. Me Mathilde Kasprzyk plaide l’irresponsabilité pénale : « Si mon client est un manipulateur,
c’est un sacré comédien ». De Kamel B., le tribunal ne saura pas grand-chose, le prévenu a envoyé « bouler » l’enquêteur de personnalité. Des bribes de sa vie ont été reconstituées : il est sous curatelle
renforcée, vit sans domicile fixe, suivi par l’ABEJ à Lille. Il a treize mentions sur son casier judiciaire.
La procureure Aline Clérot avait requis huit mois de prison en déplorant : « Notre seule solution,
c’est l’unité psychiatrique pénitentiaire ». Le tribunal a condamné Kamel B. à quatre mois de prison auxquels s’ajoutent neuf mois de sursis révoqué. Kamel B. est reparti
à l’unité psychiatrique pénitentiaire.
Lille : plus de 90 000 € de drogue de synthèse saisis dans un autocar
Lille : plus de 90 000 € de drogue de synthèse saisis dans un autocar
C’est lors d’un contrôle douanier sur l’A27, au niveau de Camphin-en-Pévèle, que les policiers ont découvert, dans une valise appartenant à un Espagnol effectuant le trajet depuis les
Pays-Bas vers l’Espagne, 11 kilos de drogue de synthèse. Le prévenu vient de comparaître devant la justice.
Son avocate est un peu désemparée. Au point de passer d’un banc à l’autre. « Vous avez des
mouchoirs ? », supplie presque la robe noire. Dans le box, Xabier Urroz Larralde pleure à chaudes larmes. Mardi dernier, dans ses bagages, les douaniers ont
découvert plus de 11 kilos de drogue de synthèse. Des amphétamines, de la kétamine (un hallucinogène aux effets comparables à ceux de l’héroïne ou du LSD), un peu de cocaïne aussi.
Cet Espagnol de 27 ans jure avoir été piégé. Il a pris son autocar aux Pays-Bas. Direction l’Espagne. « À un moment, à la gare, j’ai laissé mes bagages à deux types, assure le suspect. Ils ont dû mettre la drogue dedans. » « Et quand vous avez repris votre valise, vous ne vous êtes pas aperçu qu’elle pesait onze kilos de
plus ? », s’étonne le président Bertrand Pagès, dubitatif.
Malentendu de traduction
Dans cette affaire, la langue d’Urroz a visiblement fourché à plusieurs reprises. Au moment du contrôle, il feint ne pas reconnaître son bagage. Pourtant, l’étiquette collée dessus
correspond au billet de ce jeune voyageur. « À l’intérieur, les douaniers découvriront votre
ordinateur portable », poursuit le président. À la barre, la « mule » se réfugie alors derrière un « malentendu de traduction ». Le magistrat se plonge de nouveau dans le dossier. Pour mieux rétorquer :
« Vous avez été interrogé en espagnol… »
Quant à la marchandise, elle laisse rêveur. La cargaison contient notamment plus de deux kilos d’amphétamine base. Une fois coupée selon les règles de ce marché, elle se sera
démultipliée en plusieurs dizaines de kilos. Valeur totale de la marchandise : 91 400 €. « Il s’agit de l’estimation basse, juge un spécialiste. On pourrait multiplier la valeur par quatre. »
Défendu par Mathilde Kasprzyk, Xabier Urroz Larralde n’a pas de casier judiciaire en France. Il jure aussi que l’un des hommes à qui il a confié sa valise voyageait avec lui dans le
car arraisonné. Il écopera tout de même de trois ans de prison, dont la moitié avec sursis, et de 91 400 € d’amende douanière. L’Espagnol dort maintenant à Sequedin.
TOURCOING
Une ordonnance volée devait servir à acheter du subutex en pharmacie
Mardi après-midi, à la pharmacie de l’Hôtel de Ville, une pharmacienne tique sur l’ordonnance présentée par un client. La prescription d’un médecin de la région parisienne porte sur une
forte dose de subutex…
Par Ch.D. |
L’ordonnance se révélera volée, l’homme est arrêté tout comme l’ami qui l’accompagne. Les policiers établissent que, la veille, Jorge B., 24 ans, a tenté d’obtenir du subutex avec la
même ordonnance à la pharmacie Catteau.
Ce jeudi après-midi, l’homme de nationalité congolaise comparaissait pour escroquerie et tentative d’escroquerie. Également dans le box, Daniel K., 25 ans, de nationalité angolaise,
prévenu de recel de subutex et d’une ordonnance volée. Tous deux se connaissent depuis trois semaines, rapprochés par leur isolement en France.
Contre eux, la procureure Élodie Buguel va requérir six mois de prison ferme et un mandat de dépôt. Elle considère que les faits sont graves : « Derrière ces faits, il y a la problématique de trafic du subutex, un problème de santé publique ». Même si leur
casier judiciaire est vierge, la représentante du ministère public considère que leur hébergement en foyer n’est pas une garantie suffisante pour permettre une peine aménageable.
De la prison avec sursis
Me Mathilde Kasprzyk, en défense, s’élève contre la lourdeur de la peine et déplore que ses deux clients soient considérés de la même façon. Pour Daniel K., elle plaide la
relaxe : « On n’a pas trouvé d’ordonnance volée sur lui ». Quant aux treize
plaquettes de subutex qu’on l’accuse d’avoir dissimulé dans la voiture de police : « Les policiers
l’ont fouillé avant de monter, ils n’ont rien trouvé ».
Jorge B. a reconnu avoir tenté d’obtenir du subutex dans les deux pharmacies : « Moyennant 20 euros, il a
été assez stupide pour accepter de faire l’achat pour le compte d’un autre beaucoup plus malin ».
Jorge B. a été condamné à six mois de prison avec sursis. Daniel K. a été relaxé pour le recel et condamné à trois mois de prison avec sursis pour la détention de subutex.
« J’ai mis deux heures pour cambrioler la boutique Charles et Charlus », raconte le condamné
Jeudi en comparution immédiate, un quadragénaire est parti un an en prison pour deux cambriolages dont celui commis chez le maroquinier Charles et Charlus, rue Basse dans la nuit de mardi à
mercredi.
Par Chantal David |
Petit et mince, Fessal Boulanouar s’exprime avec révérence. Au président Jean-Michel Faure, il donne les détails : « Je revenais de chez un ami rue de Gand. J’ai
été intrigué par une porte ouverte à côté du magasin. Je passe là souvent. D’habitude, c’est fermé. » L’homme raconte qu’il est entré dans
un couloir, a débouché sur une cour, vu une fenêtre… Il est allé jusqu’à chez lui, rue de Calais, prendre des sacs-poubelles, est passé chez une amie lui emprunter sa voiture, est revenu :
« J’ai mis deux
heures pour cambrioler. ». « Et pour charger ? » lui demandera la procureure Élodie Buguel. « Environ quinze, vingt minutes. »
« S’attaquer à ce genre de boutique de luxe, cela suppose d’avoir des connaissances pour écouler la marchandise. On peut penser à un réseau de criminalité organisée. »
La procureure n’est pas loin de penser que l’homme, dénoncé par un informateur, n’a pas agi seul. Pour elle, il y a trop d’incohérences : « Huit sacs-poubelles chargés de sacs, il faut les trimballer » ; « vous empruntez une voiture au milieu de la nuit »… Elle renchérit : « S’attaquer à ce genre de boutique de luxe, cela suppose d’avoir des connaissances pour écouler la marchandise. On peut penser à un
réseau de criminalité organisée. » Et de rappeler que Fessal Boulanouar est aussi jugé pour avoir
tenté de cambrioler le 16 avril, la boutique de lingerie La Perla, rue Grande-Chaussée.
Dans le box, le prévenu n’en démord pas : il était alcoolisé, il a des dettes… Son avocate le
rejoint sur son parcours de vie difficile. Me Mathilde Kasprzyk raconte un basculement dans la délinquance à 30 ans : « Sa vie dégringole. Il perd son appartement, sombre dans la cocaïne. Il plongera dans l’alcool pour se sevrer de la cocaïne et se met à
fumer du cannabis pour arrêter de boire. » Fessal Boulanouar a neuf mentions sur son casier
judiciaire. Au cours de la perquisition, les policiers ont trouvé deux cents grammes de résine de cannabis. Il maintient qu’il a agi seul : « Je comptais revendre les sacs 100 à 150 euros pièce. » Chez lui, il avait même griffonné sur un bout de papier, une estimation des gains qui figure désormais parmi les scellés.
Mandat de dépôt
Les sacs ont été restitués. Le commerçant, qui avait estimé le butin à 60 000 euros, dit qu’il manque quarante
pièces. Ce que conteste le prévenu. La procureure avait requis deux ans de prison ferme dont six mois assortis du sursis avec mise à l’épreuve ; la défense a plaidé un travail
d’intérêt général et une obligation de soins car Fessal Belanouar, titulaire d’un bac électro-technique travaille comme intérimaire dans le bâtiment. Il a été condamné à dix-huit mois de prison avec mandat de dépôt dont six mois assortis d’un sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans.
ARMENTIÈRES ET
WASQUEHAL
Le faux salarié du tribunal atterrit dans une vraie cellule
À l’écouter, Hassan Soussi n’a jamais rien commis de répréhensible. Et certainement pas une forme de chantage sur une vieille dame de 93 ans. Malgré des dénégations quelque peu hallucinées,
cet Armentiérois a fini en prison.
Pour écouter, et clairement comprendre, ce qu’explique Hassan Soussi, il faut fermement s’accrocher à son banc. Ce presque quadragénaire explique, par exemple, vivre chez son « parrain », à Armentières. « Lui nous dit qu’il vous connaît à peine », le reprend le président Bertrand Pagès. Rien d’illégal là-dedans. En
revanche, les relations du prévenu avec une ancienne enseignante de français sont beaucoup plus problématiques. « Le 20 mai dernier, cette dame se stationne sur le parking d’un supermarché de Villeneuve-d’Ascq, narre le
magistrat. Un homme arrive et lui explique qu’elle vient d’emboutir sa voiture. » Une longue discussion
s’engage. D’après la retraitée, l’inconnu finit par obtenir 550 € en liquide. « Nous avons la preuve d’un
retrait de cette somme », tient à préciser le juge.
Soussi sera retrouvé grâce à l’immatriculation de la Xantia qu’il conduisait et… qui ne lui appartenait pas.
Dans le box, Soussi, un grand maigre au crâne à moitié rasé, se tortille dans tous les sens. Lui nie en bloc. Y compris avoir prétexté travailler au tribunal afin d’impressionner son
interlocutrice. Deux jours après la rencontre à Villeneuve-d’Ascq, Hassan Soussi se présente à la maison de retraite de Wasquehal où réside la vieille dame. Cette fois, il réclame
1 000 €. Avec insistance. L’automobiliste en lâchera 700 € et finira par déposer plainte. Soussi sera retrouvé grâce à l’immatriculation de la Xantia qu’il conduisait et… qui
ne lui appartenait pas.
« Tout le monde se trompe, sauf vous »
Défendu par Mathilde Kasprzyk, le suspect s’acharne dans ses dénégations. « L’argent a été retiré,
rappelle Bertrand Pagès. Et vous avez déjà été condamné pour escroquerie et extorsion. »
« Je n’ai pas pris l’argent », martèle Soussi. « Tout le monde se trompe, sauf vous », conclut le président. « Vous lui donneriez quel âge ? », demande la procureur Cyndra Celino à l’Armentièrois. « La cinquantaine ? », grimace l’homme dans le box. Sanction : quatorze mois de prison, avec mandat de
dépôt.
LILLE
Il «offre» les passeports de son fils et sa femme
Dimanche, trois voyageurs se présentent à l’embarquement de l’Eurostar à la gare Lille-Europe. Une famille italienne banale en apparence. Le papa, la maman, le petit garçon de dix ans. À un
détail cependant.
Par Lakdhar Belaïd |
Dimanche, trois voyageurs se présentent à l’embarquement de l’Eurostar à la gare Lille-Europe. Une famille italienne banale en apparence. Le papa, la maman, le
petit garçon de dix ans. Un détail cependant. Si le passeport de Marco C. ne pose pas de souci, ceux de ses "proches" laissent pantois. Des photos ont été apposées sur celles des véritables
titulaires de ces documents de voyage. L’authentique épouse et le garçon de Marco C. sont restés en Lombardie, dans le nord de l’Italie. Les personnes qui accompagnent ce secrétaire de profession
sont de nationalité albanaise.
« Je voulais rendre service »
« Je voulais rendre service, admet dorénavant le prévenu. Leur mari et père vit à Londres et cette famille est séparée depuis des années. » D’où ce geste, à la fois inconscient
et, jure Marco C., désintéressé. Sauf que, de lui-même, l’Italien admet avoir déjà empoché un acompte de trois mille euros. Sans parler des deux mille qui l’attendaient en Angleterre.
« Cet argent, c’était juste un remerciement pour avoir donné des papiers, se défend Marco C. Si cette maman avait parlé italien, mon rôle se serait arrêté là. Je n’aurais pas eu à l’accompagner... » Restent
quelques détails fâcheux. L’investissement consacré à cette expédition paraît pharaonique. Outre les cinq mille euros destinés à ce passeur se jurant très occasionnel, il a fallu débourser trois
cents euros pour chaque billet Eurostar. Sans oublier le trajet depuis l’Italie.
Pourtant, Mathilde Kasprzyk, l’avocate de Marco C. est persuadée de la sincérité de l’Italien. « Qui serait assez
stupide pour utiliser les papiers de sa propre famille ? », s’emporte la défenseure. La procureure Cyndra Celino lui oppose, de son côté, des dettes tellement envahissantes
que les créanciers appelaient sur le portable du suspect durant la garde à vue. Sanction : douze mois de prison avec sursis.